Enjeux écologiques

La transition écologique est-elle compatible avec la transition numérique ?

Anne Lehmans

1094 tonnes de CO2sont produits par un ordinateur chaque année soit l'équivalent d'un vol Londres - Le Caire pour un passager (Planetoscope.com)

Le numérique est rarement associé aux questions environnementales dans le contexte scolaire. Il est pourtant indispensable de rappeler le lien qui existe entre les usages numériques, qui impliquent l’utilisation de matériels, de logiciels, de réseaux, d’énergie reposant sur des infrastructures industrielles concrètes, et la question du développement durable. Les technologies d’information et de communication sont basées sur la production et la commercialisation d’une quantité toujours plus grande et plus diverse d’appareils avec des externalités négatives considérables. Les produits sont manufacturés, le plus souvent, dans des pays en voie de développement ou peu respectueux des droits des travailleurs, à partir de matériaux rares, comme le cobalt et le lithium, dont les modes d’exploitation sont encore moins respectueux lorsqu’ils utilisent, par exemple, le travail des enfants dans les mines de cobalt. On estime ainsi que 40 000 enfants travaillent dans les mines de cobalt au Congo, qui produit 60% de la production mondiale. Ce sont aussi des enfants qui travaillent dans les chaînes de production de smartphones des usines chinoises. Le lithium, indispensable pour fabriquer les piles des appareils, est produit en presque totalité dans des régions d’Amérique du Sud et nécessite l’usage de grandes quantités d’eau au détriment des habitants qui en manquent en Argentine, au Chili ou en Bolivie. Le cadmium, métal toxique utilisé notamment dans les piles et les écrans, est rejeté dans l’environnement, comme les nano-particules dont on sait qu’ils représentent une pollution et un danger majeurs pour la santé humaine. L’utilisation d’un ordinateur portable produit 1094 tonnes de CO2 par an. Les datas centers, stockant les données dans des serveurs abrités par des bâtiments répartis dans le monde, liés au cloud computing, consommaient en 2018 1% de la production mondiale d’électricité, le numérique représentant lui-même 7% de la consommation mondiale d’électricité, une consommation en augmentation constante, responsable de l’émission de gaz à effet de serre. La connectivité nécessitée par l’internet et les usages qui se développent impliquent la mise en place toujours plus rapide d’infrastructures et des investissements considérables, créant des inégalités entre acteurs, qui mènent une lutte concurrentielle, et régions, dont certaines, au niveau mondial comme au niveau national, restent encore peu connectées.

On le voit bien à travers ces quelques exemples, auxquels on pourrait ajouter des questions très générales comme celle de la consommation d’énergie dans le contexte de la lutte contre le réchauffement climatique, de l’obsolescence programmée dans un contexte d’interrogation sur les pratiques de consommation outrancière, de l’impossible recyclage dans un contexte de dégradation de la biodiversité, le développement durable, dans une perspective écosystémique combinant le respect des équilibres environnementaux, sociaux et éthiques, et économiques, est une question majeure dans la réflexion sur le numérique. Elle appelle des pratiques éducatives et une responsabilité sociale renouvelées, l’éducation au développement durable étant inscrite dans les programmes scolaires.